On ne raconte pas un conte, on le « reconte ». On n’invente pas, on reformule, on s’exprime sur un autre ton, on rajoute des détails, on simplifie suivant notre humeur. On ne peut parler ni d’emprunt ni de plagiat, chaque narrateur réenchante le monde.
N’étant pas russe, j’ai découvert ces récits dans les années quatre-vingt, je ne citerai donc ni ma mère ni ma grand-mère, mais je remercierai
- Afanassiev Alexandre : Les contes populaires russes, Éditions Maisonneuve et Larose. La matrice d’où sont sortis les autres textes.
- Luda : Les contes russes dessinés par IvanBilibine, Les Éditions Messidor/La Farandole, désormais aux Éditions Sueil-Jeunesse. En particulier, Vassilissa la très belle (avec ces trois cavaliers qui protègent l’isba de Baba Yaga) et La princesse grenouille (une version de ce conte existe au Viêt Nam), mais aussi, de façon plus anecdotique, Maria des Mers (on y fait la connaissance de Kochtchéï) et La Plume de Finist-Fier Faucon.
- Les Éditions GRUND : Contes russes dans la collection Légendes et Contes. Notamment Le tsarévitch Ivan et le loup féroce, Misère de misère (il y a une histoire identique au Pays basque)
- Internet, Wikipédia notamment, où les contes sont reproduits, parfois commentés. On y trouve notamment Sivka-Bourkha, Le corps-sans-âme (c’est un conte gallois, mais on trouve l’équivalent dans tous les pays) et surtout des documents sur la vie au Moyen-âge en Russie, sur la sorcellerie et la nuit de Walpurgis, des légendes autour du mont Chauve près de Kiev. Les mortes de l’année, les roussalki (pluriel du russe : roussalka) qui participent au sabbat sont au cœur d’un mythe slave ayant fait l’objet de multiples œuvres artistiques dont un opéra d’Anton Dvorak.
L’histoire fut racontée pour la première à mes enfants lors d’une randonnée pour gravir les contreforts du Vercors en 1993, un dénivelé de huit cents mètres. Ils avaient en six et dix ans et pour leur faire oublier les difficultés, pour les tenir en haleine, j’ai songé à enfiler les contes comme autant de perles pour obtenir ce récit. Le plateau de Valdaï avait, ce jour-là, bien des traits communs avec celui du Vercors et, quand nous fûmes arrivés, quand enfin Ivan et Vassilissa furent unis pour l’éternité, je levai les yeux et vis que d’autres jeunes, plus âgés que les miens, avaient ralenti leurs pas pour nous suivre à distance et connaître la fin des aventures de Vassilissa la très belle, Ivan le pieu et… Kochtchéï, l’immortel.
Et si tous ont oublié, le conteur, lui, s’en souvient.