Cette nuit, Vassilissa prit sa poupée contre elle et celle-ci sentit qu’elle frissonnait.
– Kukolka, mon amie, aide-moi. Kochtchéï a demandé ma main.
Le chiffon sourit devant une telle déclaration. Elle avait cru qu’un danger menaçait Vassilissa, mais en réalité, ce n’était que le doux tremblement de l’amour.
– Quel bonheur, mon enfant ! Il n’y a pas dans le monde homme plus beau, plus riche, plus puissant, plus épris de toi. Tous tes souhaits, il les réalisera ! Marie-toi et tu seras heureuse jusqu’à la fin des siècles.
– Kukolka, mon amie, je n’aime pas Kochtchéï. Il n’y a pas être plus froid, plus méchant, plus angoissant que lui. À son contact faneront mon rire, mes lèvres, mon corps. Je ne puis l’épouser.
– Pauvre enfant, tu ne peux le refuser. Sa colère serait terrible.
– Kukolka, mon amie, dis-moi comment m’y prendre pour éviter sa colère !
Comment ne pas fâcher un homme dont on repousse les avances et s’épargner son courroux, surtout lorsque ce dernier s’appelle Kochtchéï ? La question était simple et directe, la réponse serait plus tortueuse ! La poupée souhaita peser longuement le pour et le contre.
– Laisse-moi le temps de réfléchir. Dors ! Le soir voit tout en noir, mais le matin est plus malin.
Ainsi fit Vassilissa la très belle. Quand elle s’éveilla, Kukolka lui dit :
– Demande-lui le mortier de Baba Yaga. Il suffit d’y jeter quelques grains de blé, de le moudre et l’on aura de la farine pour nourrir tout le peuple russe. Mais elle, se moquant du bien-être des gens, préfère parcourir le monde avec, à la recherche de chimères. Jamais il n’osera le réclamer à sa mère. De toute façon, celle-ci refusera.
Ainsi fut fait. Effectivement, Kochtchéï ne fit pas une telle requête à la vieille sorcière, il se contenta de lui voler le précieux objet et de l’offrir à Vassilissa. Cependant, le cadeau lui coûtait, car il mettait un terme à leur association, faisant d’un simulacre d’amie une véritable ennemie. Il chantonna un ancien refrain :
« Pour la promesse d’un baiser, J’ai tout quitté, ma mie, Ma fortune, mon chez-moi, Mes amis des jours heureux, Mes amis des jours de peine, Mes parents devenus orphelins, Pour une ombre de baiser »
Même si le baiser ne se concrétisait pas, il n’aurait pas le moindre regret. Il la désirait et se devait de produire des preuves d’amour, de son amour, avant tout pour lui. Vassilissa n’avait pas fait un geste en sa direction, elle ne lui était donc redevable de rien. Simplement, ce qu’il avait fait lui donnait le droit de savoir. Il se fit pressant et la jeune femme eut bien du mal à le faire patienter au lendemain pour avoir sa réponse définitive.